Les Expressions Provençales de Marcel
Marcel Guigou nous plonge dans le parler d'Auriol, avec des historiettes qui présentent un mot ou une expression. Ces petites histoires ont été publiées sur "Raconte-moi Auriol".

Bon marché !
De nos jours, prix cassés, super promos et autres prix discount plus alléchants les uns que les autres vous promettent des affaires mirobolantes. Autrefois, ces annonces publicitaires extravagantes n’étaient pas de mise. La "réclame" (la pub’ du Monde d’avant) vous invitait seulement à acheter bon marché.
Et déjà, la ménagère avertie ne s’y trompait pas. Elle savait d’expérience que l’huile bon marché crachotait dans la poêle et cuisait mal. Que pour réussir un plat convenable, il fallait beaucoup plus de pâtes bon marché que de pâtes ordinaires et que le tissu bon marché n’avait aucune tenue. Aussi ne se privait-elle pas de faire des remarques bien senties, du genre :
D’ailleurs, celles qui tiraient le diable par la queue n’y allaient pas par quatre chemins :
Un comportement qui se traduisait, si on le pouvait, par des emplettes moins fréquentes, à des prix un peu plus élevés. Avec au final des achats de meilleure qualité et qui duraient beaucoup plus longtemps.
De l’alimentation aux vêtements (évidemment !), une petite piqûre de rappel indispensable à l’heure du Made in China.

Noces tardives
"A soixante piges révolues", comme il se plaisait à l’annoncer, Henri n’avait pas encore rencontré l’âme sœur. Quant à Jeanne, elle s’était toujours montrée beaucoup trop difficile dans ses choix, refusant l’un après l’autre tous les prétendants. Même les plus intéressants.
Un beau jour, le vieux "jeune homme" rencontra la "jeune" demoiselle. Ils se plurent, se marièrent et eurent beaucoup… de bonheur. Tant il est vrai qu’avec un peu de chance et beaucoup de bonne volonté, disait-on à l’époque,
Unique point noir : le nouvel époux avait des habitudes d’un autre temps, disant à sa femme :
Et même devant, quand ils furent plus âgés. Non, mais !
Voleuse, moi ?!?
Chez nous, tout le monde adorait la Julie des Mousques. A 70 ans, ses yeux magnifiques, sa taille et son air altier, rappelaient la belle fille qu’elle avait été, autrefois, quand elle fréquentait l’Opéra de Marseille. Enfin, l’opéra, c’est vite dit ! En fait, elle passait ses journées à arpenter les rues chaudes du quartier de l’opéra, bien connues de tous les marins des deux hémisphères. Pour tout vous dire, dans sa jeunesse, la Julie avait un peu mené la vie.
Aujourd’hui, bien rangée et respectée de tous, la vieille dame vivait modestement. Mais elle avait gardé du temps de sa splendeur le verbe haut et le franc-parler des gens qui ont bourlingué. Et voilà que ce matin-là, en plein marché, un commerçant - l’inconscient ! - s’était permis de l’apostropher en faisant une allusion à peine voilée à un prétendu manque d’honnêteté de sa cliente. C’était le mot de trop, celui qui blesse. Piquée au vif, notre Julie s’insurgea :
C’est bien connu : Les gens modestes ont la fierté des âmes pures.

Stratégie à l’ancienne
A 70 ans bien sonnés, Gustave, dit Tave, était encore l’homme à tout faire du village. Plombier, maçon, fontainier à ses heures, il savait aussi réparer charrettes et vélos, et même dépanner les automobiles avec des bouts de fil de fer. Son seul défaut tenait à son caractère. Imprévisible au possible, notre homme était soupe au lait comme pas deux. Il avait, certes, des mains et un cœur d’or, mais il fallait encaper pour qu’il se mette à l’œuvre sereinement.
Le père Giraud qui avait souvent affaire avec lui, savait à quoi s’en tenir. Voilà pourquoi, avant toute demande de service, le pépé faisait un détour par la cuisine familiale pour s’informer :
La réponse de l’Aglaé dictait la conduite à suivre. Un
C’était avant l’heure la mise en pratique du fameux "principe de précaution".
Calculi !
Ce jour-là, j’avais vu mon parrain âgé de 98 ans, prenant le soleil sur son banc, l’air songeur. Alors que je lui demandais ce qu’il faisait, sa réponse fut simplement :
Voilà bien longtemps que je n’avais pas entendu cette expression. Elle date de ces temps pas si lointains où les enfants quittaient l’école vers 12-13 ans, avec pour unique bagage leur Certif’ (le Certificat d’Etudes Primaires), quand ils avaient pu l’avoir. Une époque où il était nécessaire de réfléchir longuement, de peser le pour et le contre pour ne pas se tromper. Car on n’avait pas tou-jours à disposition les matériaux ou les outils nécessaires.
Un temps où on savait qu’on ne savait pas tout.

Prudence est mère de sûreté
Le chat est réputé prudent. Un matou qui se glisse hors de son chez lui et batifole dans votre jardin a toujours les sens en éveil. Vibrisses au vent, oreilles aux aguets, il se déplace sans bruit, à l’affût du moindre frémissement suspect, du plus petit détail insolite. Fort de l’expérience acquise, il se méfie de tout.
En Afrique, on retrouve en écho une maxime identique qui dit : « Homme mordu par le serpent se méfie du ver de terre ! ».
Relevez la Tête
Ce matin-là, l’aide-ménagère de Monsieur Gabriel, un ami de Peypin, arriva chez lui, excitée comme une puce. Voilà que son manager s’obstinait à lui donner sans cesse les tâches les plus ingrates, les plus pénibles. « Vous savez comment je suis, moi. Je ne rechigne pas à l’ouvrage. Je veux toujours faire de mon mieux. C’est dans mon caractère. Moi, je ne demande vraiment pas un traitement de faveur. Mais là, quand même, il exagère : pendant que les autres n’en fichent pas une rame et qu’elles se roulent les pouces, à moi le pompon ! Je n’en peux plus. Là, y’a vraiment de l’abus, vous ne croyez pas ? »
Après un long silence, notre ami lui répondit : « Vous savez, Henriette, chez moi, dans ma jeunesse, on disait

Chassez le naturel
Madame portait beau. Elle avait de l’allure, Madame. Et ce ne je sais quoi qui force le regard. La voix était agréable, le vocabulaire choisi, un port de reine : elle avait tout pour plaire, Madame.
Tout pour plaire à tout le monde, sauf au "petit personnel", comme elle disait. Quand Madame s’adressait à lui, la voix grimpait dans les aigus et les mots devenaient acerbes, ceux d’une harpie. Elle était comme ça, Madame.
Dans les communs, il se murmurait que, sauf votre respect, Madame avait quitté ses parents à l’âge de 16 ans pour se placer à Paris comme bonne à tout faire. Qu’elle était née Mauricette Machinchose, Madame, et qu’elle avait mis le grappin sur Monsieur qui l’avait mariée sur un coup de tête au grand désespoir de sa famille.
A ce point du réquisitoire, le couperet tombait :
Le Poison dans la Queue
Ce jour-là, Maître Michel, le maître maçon du village, trouva un petit magot fait de piécettes cachées dans une boîte, derrière le mur de la cheminée qu’il venait d’abattre dans le salon de Mademoiselle Agnès. Cet homme honnête ’empressa d’apporter tout de suite sa trouvaille – c’était quand même pas le Trésor d’Auriol ! – à la propriétaire des lieux qui le complimenta et le remercia… en lui témoignant une reconnaissance infinie.
Plus tard, la vieille demoiselle ne se faisait pas prier pour raconter à qui le lui demandait, et avec force détails, les circonstances de la découverte. Mais, cette langue de vipère ne pouvait se retenir d’ajouter ce commentaire :
"In cauda venenum" disaient les Romains pour décrire le scorpion : le poison, dans la queue ! tout comme la petite vacherie assassine instillée, mine de rien, à la fin du récit. Pour le plaisir.
A paga !

Oncle Paul avait un caractère en or. Avec lui, tout évènement était source de bonne humeur. Sauf quand on lui annonçait un décès ou qu’il se trouvait nez à nez avec un convoi funèbre. La sentence tombait alors, lapidaire et implacable : « A paga ! » (Il a payé).

Pourquoi disait-il cela ? Pour quelle faute inavouée le défunt avait-il payé, se demandaient les gens. Certains, à bout d’arguments évoquaient le péché originel. D’autres penchaient plutôt pour une explication mythologique faisant référence à Charon, le passeur qui exigeait une obole (pièce de monnaie, ici du Trésor d’Auriol) de chaque défunt pour lui faire traverser l’Achéron et atteindre l’autre rive. La question restait toujours en suspens.
Un jour, comme tout un chacun, Oncle Paul s’en est allé.
La Galamaoude
« Petit, ne t’approche surtout pas du puits ! La Galamaoude va te prendre ! »
La Galamaoudo
Dallas
DALLAS, ton univers…
Dans les années 80, la série télévisée Dallas submergea la sphère médiatique en causant les ravages que l’on sait. "Ton univers impitoya-able" était sur toutes les lèvres, dans toutes les têtes. Les amours tumultueuses et alcoolisées de Bobby, J-R, Sue Ellen et autres faisaient la une des médias. A tel point qu’en début de soirée, les gens restaient chez eux scotchés devant leur petit écran. Plus un chat dans les rues désertées. Plus personne sur le pas des portes à dialoguer d’un trottoir à l’autre en prenant le frais. A partir de ce moment, le Papet n’arrêta pas de rouspéter contre ce fléau venu d’ailleurs, répétant avec amertume à qui voulait l’entendre :
Lou Lavadou

Connaissez-vous cette définition du lavoir que colportaient nos piliers de bars ?
Il est vrai qu’on pouvait parfois s’attendre au pire quand battoirs et langues bien pendues entraient dans la danse. Dans ces moments de tension extrême, tout le monde pouvait y passer… A leurs détracteurs, les lavandières répliquaient d’un ton ferme et décidé :